Présent de l'instant, présents dans l'instant
Eclats de vies - Par Gabrielle - mercredi 20 février 2013 - Lien permanent
Elle disait soyons compagnons, de route et de vie. Peut-être pas tout a fait comme tu en aurais envie, peut-être pas non plus à jamais.
Mais la route est là, tu l’arpentes et me voilà.
Mais je suivais mon chemin et t’y ai croisé un matin.
Et ce n’est pas parce que l’on n’a pas démarré l’histoire ensemble qu’on ne peut pas en tracer des lignes communes à présent qu’elle nous rassemble.
Il disait on est sur le même chemin mais avec un de ces décalages putain… On trace le même espace, en deux temps différents. Il disait la vie est moche et m’a jeté sur la route bien avant qu’elle ne t’y foute, bien trop tôt pour la faire avec toi, pour me faire avec toi.
Il disait la vie file, on ne s’y arrête pas. Il n’est pas question d’une pause sur la route en attendant les retardataires ou le peloton suivant, on est tous lancés chacun dans son wagon sur des rails où l’on ne se double pas, ne s'attend pas. L’on ne descend pas du train pour le suivant, ça ne marche pas comme ça.
Bien sur qu’il y avait du vrai, qu’ils ne se rejoindraient jamais tout à fait.
Mais elle haussait les épaules et s’ébrouait, comme les bêtes se débarrassent de l’eau lourde en leur pelage.
Elle disait non, disait ce dessin n’est pas le bon.
Elle disait on a tracé nos voies, séparément depuis longtemps et toi bien avant moi.
Et puis l’on s’est croisé.
Elle disait nous sommes bien dans le même espace et le même temps, c’est l’ici et le maintenant. Et si je suis là, si je te sais, je te sens près de moi c’est bien que l’on chemine ensemble, exactement.
Ce qui nous sépare ce n’est pas l’ici ni le temps présent.
Ce qui nous distancie c’est le bagage et le passé, l’expérience et l’avant.
Ils n’étaient pas partis en même temps dans la vie ; ils s’étaient dit cela c’est dit, il n’est pas de honte et pas de déni.
Elle disait certes t’as bien eu le temps d’user tes pompes à la route avant que je ne puisse y commencer. Et quand on s’est croisé bien sur que t’en avais déjà passé des bornes et des moments, avalé des contrées et du temps. Sacrément plus rodé –peut-être un peu plus las aussi, plus fatigué.
Alors bien sur la voir aujourd’hui lui rappelait des souvenirs anciens. Et bien sur qu’en termes de mémoire elle en avait bien moins.
Mais elle disait ne vas pas croire pour autant que je suis sur ton chemin d’avant, très loin vers le début et d’où tu viens.
Elle disait je trace ma route et toi la tienne –qu’advienne !
Elle disait oui, j’ai moins marché. Cela fait moins longtemps que j’arpente à mon compte cette foutue voie toute en pentes.
Et après ?
Si l’on s’est croisé, c’est bien dans le même espace temps.
On y est différent, c’est évident.
On ne vient ni du même où, ni du même comment, ni surtout du même quand. On ne va… Ca je ne sais pas.
Mais si l’on s’est croisé c’est bien ici et aujourd’hui, là et dans l’immédiat. Espace et temps partagés.
C’est ici et maintenant que je suis, que tu vis. Et bien sur si tu prends ma main on n’y trouvera ni les mêmes cals et ni le même pouls. Mais bien la même essence et même des bijoux qui font sens.
Elle disait justement c’est bien parce que l’on ne vient ni des mêmes où, ni des mêmes quand que t’apprendre m’intéresse autant. Elle disait y’a ce chemin, tracé séparément, que je veux connaître à présent.
A présent partagé.
A présent comme cet ici maintenant où l’on chemine liés.
A présent comme ce don surprenant, jamais parfait ; pourtant qu’on se refuse à renier.
Il disait les dieux sont salauds et doivent bien rire là haut, de nous mettre à portée sans nous permettre vraiment d’être à coté. Accordés.
Elle disait on est six ou huit milliards d’êtres humains, on est des millénaires d'humanité, s’être croisé c’est déjà bien. Inespéré. Et ce don, on peut râler sur son imperfection mais on va le vivre et profiter.
Elle disait je ne veux rien savoir des si.
Si l’on avait pris la route ensemble ? On aurait pu s’y perdre, se perdre l’un à l’autre ou même ne pas se voir ni se croiser.
Si l’on s’était croisé plus tôt, plus tard ? La même. Et puis l'on aurait pu, c'est vrai. Pu concrétiser ou repousser encore cette idée de se voir.
Cela fait longtemps qu’on avait chacun connaissance de notre existence –moi de la tienne et toi de la mienne et quelque part aussi d’un nous potentiel et déjà là.
Si ça durera, si l’on va droit au mur etcetera ? Je me fous d’où l’on va et du temps que ça prendra, du temps qu’on nous offrira et dont on profitera.
Elle disait je suis ici et je suis là, je ne fais ni projets ni cinéma. On est ici et on est là, et d’où l’on vient et où l’on va ne compte pas.
Et si t’embarque avec moi, si j’aborde avec toi, alors advienne que pourra !
Commentaires
Et pourquoi, afin de ruser, d'abuser les dieux, ne se déguiserait-il pas, lui, en vache qui rumine paisiblement au bord de la route -il n'a pas trop l'air, ne donne pas trop l'impression d'être un taureau, il devrait donc facilement pouvoir se dissimuler au sein d'un troupeau d'examinatrices de terrain (de trains)- ,ainsi à la croisée des temps, il pourrait se matérialiser en homme (en lui même) jaillissant devant elle, et, ni vu ni connu, lui prendre la main pour un temps, un bout de trajet, pour longtemps, ou jusqu'à une date précise dessinée par quelques aiguilles jetées comme des dés au hasard sur le plateau de jeu de Chronos..?
Hum...oui... cela semble compliqué.
Pourquoi alors, plutôt ne pas fonctionner avec lui comme tu le dis un peu dans ton texte: l'aborder comme un navire qu'il est, et lui demander gentiment de bien vouloir suivre l'excursion de son radeau à elle vers un infini inconnu, où ce qu'il advient n'est pas pourrav'...
Je ne connais pas la suite de cette histoire, ni le début, ni ses protagonistes d'ailleurs, mais je trouve que pour des gens qui sèment avant tout, ils manquent de confiance en leur jardin. Tout pousse à point qui sait la tondre...la mauvaise herbe, la mauvaise onde.
Et n'oublie(z) pas, ce n'est pas le chiendent qui mord(ille) dans le cou, c'est l'animal(e) apprivoisé(e) qui, chantant ou sifflotant, se souvient du seul verbe digne de sa langue, et le mâchouille délicatement, loin des ruminant, en une brindille inflammable au coin des lèvres.