Accusé de réception (1/2)
Eclats de vies - Par Gabrielle - jeudi 25 avril 2013 - Lien permanent
Suite d'ici
Tu n'avais pas tout à
fait tord, tu sais, et j'ai souri à te lire. En effet, tous les deux
mois environ et selon quoi, une grande enveloppe brune est postée de
ce chez-moi où je ne réside pas, ce chez-moi d'une enfance achevée
depuis longtemps déjà... Ou jamais tout à fait.
Une grande part du
courrier qui m'est destiné ne m'atterrit à vrai dire plus tout à
fait entre les mains. Il y a ce qu'on ouvre pour moi là bas, auquel
on peut répondre à ma place ou me scanner s'il le faut.
Le courrier papier voyage
il est vrai moins bien.
Mais celui-ci, s'ils ont
pris la peine de l'ouvrir en premier pour en vérifier l'urgence, ils
ont tenu out de même à me l'envoyer tout entier.
J'ai donc reçu ce matin
une enveloppe contenant deux cartes postales, quelques documents
administratifs et cette enveloppe épaisse et filigranée. Curiosité.
Non, je n'ai pas reconnu
ton écriture au devant, mentionnant cette adresse qui me sert tout à
la fois de poste restante et de centre de tri. Mais l'expéditrice au
dos du carton ne m'était pas inconnue, pas plus que le second nom à
tes cotés.
Alors j'ai souri.
J'ai fait durer le
suspense. Je me suis levée du lit où j'étais installée, suis
allée me servir un verre au frigo. Je n'ai pas un grand chemin à
faire pour cela, tu imagines bien que je réside encore en studio,
ici un nouveau meublé loué pour la moitié de l'année, ayant
trouvé un contrat pour ces quelques mois.
Ce n'est pas un thé
comme nous en partagions autrefois que je me suis fait aujourd'hui ;
je réserve les boissons chaudes au diner, lorsque le températures
daignent enfin descendre un peu. Oui, j'ai bien rejoint à nouveau
les tropiques pour quelques mois ou peut-être, j'espère, une paire
d'années. Sans doute que tout dépendra des opportunités.
Il est heureux qu'il soit
d'usage d'envoyer bien en avance ce genre d'invitations ; je te
promets de réserver au plus tôt mon billet d'avion.
Ainsi tout ceci a donc
pris forme et vous en êtres rendus à la mairie... A l'autel aussi,
si j'en crois ce que je lis. Pour l'hôtel, il y a déjà quelques
années que tu avais rajouté un deuxième oreiller au chevet de ton
lit d'étudiante. J'avais eu ensuite quelques échos de votre
emménagement commun, des disputes et des bons moments.
Il y avait du bonheur et
des promesses, même dans tes pleurs quand tu débarquais chez moi
souhaitant que tout cela cesse. Tu passais quelques heures et
repartais, vidée de ta colère à défaut de réellement regonflée.
Vos retrouvailles se chargeaient de te soigner tout à fait.
Vous formiez un beau
couple il est vrai, que beaucoup enviaient. Moi y compris, eh
oui !
La libertaire et
l'éternelle célibataire. Qui collectionnait moins les hommes
qu'elle les regardait passer de loin. Peu daignaient m'approcher,
moins encore étaient jugés supportables à rester, même pour la
soirée.
La fille libérée, qui
bougeait, riait fort et picolait, finissait parfois la nuit dans le
lit de l'un ou l'autre... Mais n'y aurait sûrement pas passé sa
vie.
Je disais que je n'y
tenais pas, que même un soir cela ne m'intéressait pas. Tu savais
ce que je n'y trouvais pas, chez ceux-là qui s'intéressaient à
moi ; jamais tout à fait, jamais vraiment satisfaisants.
J'étais trop difficile
surement, y compris et premièrement pour mon propre bien.
Alors on riait de tes
grands projets, maison mariage enfants et de mes idées toujours de
passage, courts projets et voyages.
Mais on riait ensemble, y
compris lorsque l'on se charriait mutuellement sur nos choix de vie
réciproques et différents. On avait l'amitié improbable de ceux
qui ne se ressemblent pas à première vue mais partagent bien
certains points. Peut-être invisibles à l'oeil et donc, dit-on
parfois, plus essentiels.
Sur qu'on ne s'est pas vu
longtemps, ayant fait connaissance au bout du monde lors d'un exil
volontaire, revenues ensemble un temps avant que je n'embarque à
nouveau pour d'autres latitudes.
Revenir sous les nôtres
me fera sans doute du bien -ce genre de bien présent et profitable
parce qu'on sait ce retour l'affaire d'un moment, non permanent. Le
pays m'est escale à présent, pour mon plus grand bonheur.
Le reste ne peut
peut-être pas en affirmer autant.
Non, je ne regrette pas
d'avoir quitté ce pays, j'en savoure au contraire l'ici où je
revis.
Mais... Certes on ne peut
pas non plus parler de regrets, non, mais plutôt d'une acceptation
pas tout à fait de bon gré. Je parle ici des mouvements et de
l'allant, de la bougeotte et des déménagements incessants.
Bien sur je parcoure et
découvre des paysages sans fin. Des villes et des campagnes, des us
et ds coutumes car c'est aussi, sinon peut-être avant tout, une quête
de l'humain que ces départs et ces chemins.
Mais je viendrai c'est
promis, même de loin, même d'ici. On ne manque pas l'union rêvée
de son amie, fusse-t-elle éloignée, manque-t-on de nouvelles et de
quotidien, échangés contre la distance et le flou du lointain.
Car je me souviens.
Et toi aussi visiblement
puisque tu as pensé à moi en distribuant ces cartons blancs.
Tu ignores l'effet qu'ont
eu sur moi ce geste et cette pensée. N'avoir pas été oubliée,
compter encore malgré la distance où j'ai tous les tords. Nul
besoin d'argumenter encore le prix de ton amitié et la gratitude
éprouvée à cette idée.