Il y avait des jours comme ça. Des jours où tout lui semblait glauque et froid.
Elle avait pourtant pour habitude d'aimer la vie, d'en jouir et puis d'en rire. Elle s'amusait du quotidien, d'un rien, s'émerveillait d'encore moins. Riait sans cynisme, souriait tout en prismes, décomposait les emmerdes au regard des merveilles.

Et puis il y avait ces moments tristes. Il suffisait parfois de peu, une situation ou un aveu. Tout lui semblait noircir, s'enlaidir.
Souvent cela relevait-il effectivement de quelques événements, complexe mélange en affreux contexte.
Elle se sentait de trop, elle se sentait trop haut.
Bien sur orgueil et préjugés, bien sur écueil en vanité.

Dans ces moments méprisait-elle, dépréciait-elle ceux là qui lui semblaient si bas, aussi étroits. Leurs esprits lui semblaient étriqués, centrés en quelques idées éculées, les lieux communs s'y faisaient quotidiens. Il suffisait de quelques uns, quelques instants pour la dégoûter bel et bien des gens. Leur médiocrité l'assaillait, l'envasait.

Bouche close elle offrait alors d'infime sourires aux doses établies sur ses paies. Elle souriait à hauteur du contrat, rêvant tout bas de leur briser la voix. Qu'ils la ferment et cessent de blatérer. Qu'ils s'enferment, déjà entravés.
Leurs petites vies, leurs problèmes infinis. Mais surtout l'assurance avec laquelle ils en avancent, des sottises et conneries.
Ils suffisaient, pourtant de peu, se suffisaient d'être mauvais. Suffisance de leur insuffisance. Celle là l'exaspérait, sans la moindre humilité.
Leur simple connerie l'aurait faite hurler mais c'était bien pis quand ils prétendaient lui apprendre la vie. A coup de banalités éculées, de lieux communs à gerber.

Elle savait, tout en refrénant l'idée de son poing dans leurs dents, n'être après tout pas mieux, ne pas appartenir au clan des brillants.
Pis, faisait-elle aussi et d'autant plus en ces moments, partie du clan des suffisants. Elle était mauvaise et sa prose empestait pourtant d'aise.

Pis, elle était sensible et s'était juré l'impossible d'aimer tant qu'elle pourrait le monde et ses effets. L'humain aussi même si ce domaine était un peu moins facile à aimer sans avoir un peu parfois à se forcer. Elle était celle qui souriait, qu'un rien émerveillait.

Et parfois le monde était de trop, l'humain la muait en sanglots -tout ça craint, pensait-elle un peu mélo. Et la médiocrité lui sortait par les yeux, et leur ressembler lui filait une peur bleue.

Dieu, le destin ou les miens, ne me laissez pas m'égarer en chemin.

En ces jours où la médiocrité lui semblait sourdre et l'inonder de ceux qu'elle devait fréquenter, auxquels il lui fallait se confronter, en ces jours abêtissants la solitudes appuyait son doigt puissant en ses côtes et torturait ses chairs à l'ongle habitué. Ou frappait à la machette, envoyait des hachettes.
En ces jours et la solitude et la médiocrité -de ces autres, étalée à leurs pieds, et la sienne, éventée par ces mêmes idées- l'enlisaient, l'envasaient, lente écoeurée.
Ecoeurée, gagnée par la nausée d'eux et d'elle même en la perte de cette humanité. Tous ne sommes nous que des pantins d'orgueil et suffisants bouffis jusqu'au temps du cercueil.
Il n'est nulle fuite et nul espoir d'une suite un peu moins noire.