-Alors ?

-C'est une connasse.


Le verdict était rendu, inévitable. Il hausse les épaules en l'entendant.

-Elle est tendre avec moi.


L'autre hausse les yeux au ciel, une moue exaspérée sur le visage.

-Quand elle daigne se souvenir de ton existence ! Je dirais qu'au mieux elle joue avec toi, te prends et te jette à son gré. Au pire elle n'en a juste rien à foutre. Elle ne te rappelle jamais, ne te propose jamais de vous revoir. Et toi, chien fidèle, tu lui cours après gentiment, tu la rappelles et te plie à ses caprices, à ses oui et ses non qui te laissent en plan au dernier moment.

Sincèrement, lâche là. Quel besoin avais-tu de te coincer avec une fille pareille alors qu'il y en a des dizaines d'autres et que tu pourrais avoir l'esprit tranquille à des aventures plus ou moins durables ?


Il hausse légèrement les épaules à nouveau, sans révolte, sans cri.

-C'est bon de passer des moments avec elle. Ca faisait longtemps ; contrairement à toi, non je n'ai pas un harem à mes pieds.

-Tu es trop difficile. Y'a quand même quelques nanas pas dégueu qui t'ont fait de l'oeil ces dernières semaines et quelques autres que je parie que tu aurais pu emballer sans soucis. Et je ne suis pas le seul à te l'avoir fait remarquer.

-M'intéressaient pas. J'en suis pas encore à ramener chez moi n'importe quel joli cul, même juste pour la nuit...

-Ca ne te ferait pourtant pas de mal ! Crois moi, tu te prendrais moins la tête en concluant plus souvent. On ne te demande pas de les épouser ni même de les revoir, merde. Juste de t'amuser un peu, de laisser faire et voir.


A son tour de mimer l'exaspération devant l'autre, un instant à peine. Il n'était pas capable de s'énerver pour de bon sur ce sujet déjà trop souvent discuté ; il savait l'autre sincère et attentionné, réellement inquiet à le voir osciller jour après jour entre béatitude et déprime.

-Hé bien je n'y arrive pas. Oui ça serait bien, oui ça serait plus simple, infiniment même et je te rappelle que je suis quand même le mieux placé pour le savoir.

Soit elles ne m'intéressent pas, soit elles m'intéressent plus ; assez pour conclure c'est déjà trop pour ne pas vouloir remettre ça. Sinon ça n'en vaut pas la peine.


-Tu sais ce qui n'en vaut pas la peine ? Ce qui n'en vaut pas la peine mais qui me fait vraiment de la peine ? C'est toi, merde, c'est ta manière de t'accrocher, c'est cette non relation qui semble te faire plus de mal que de bien. Tes questionnements, ton attente, pour une connasse qui n'en a rien à battre.


Il ne répond rien. Il sait bien qu'il a raison, que cette histoire qu'on ne peut appeler relation lui a apporté plus de mal que de bien, l'a reconduit à osciller de haut en bas, à creuser toujours plus loin dans le fond.

Mais aussi à lui faire frôler des moments de bonheur presque pur, des moments où les doutes et les questions se taisaient sous la main douce, dans l'étreinte de ses bras et sa tête sur sa poitrine.

Et puis elle n'était pas qu'un coup d'un soir qui arrive à l'improviste évidente, après une soirée arrosée. Elle ne l'était pas pour lui du moins, car il savait aussi que l'inverse n'était pas vrai.

-Ca faisait longtemps que je n'étais pas tombé amoureux.


L'autre secoue la tête, soupire doucement. Il savait bien qu'ils finiraient par en arriver là. Il le connait trop bien et depuis trop longtemps pour savoir faire la différence entre ces dérapages de soirées et cette situation-ci, cette rêverie qui ne le quittait pas mais camouflait bien d'autres états. Il le connaissait trop bien et depuis trop longtemps pour n'avoir pas deviné que lorsqu'il lui parlait de cette nana, lorsqu'elle était encore inaccessible, qu'elle n'avait pas daigné lui accorder un regard, lorsqu'il lui en parlait avec légèreté et quelque grossièreté, cet amusement n'était qu'illusion. Il savait faire la différence entre les discours où le détachement était réel et ceux qui cachaient quelque mouvement plus puissant. Cette nana là lui avait tapé dans l'oeil, avait remué quelque chose en lui qui ne bougeait pas souvent.

Et c'était une mauvaise nouvelle. Car il le connaissait trop et depuis trop longtemps pour ne pas connaître la manière dont il s'abîmait en amour. Dont il s'y abimait. Il y plongeait entièrement et finissait toujours par y laisser quelques dents, par y brûler quelques plumes.

Il posa la question dont il connaissait déjà la réponse.

- Tu lui as fait comprendre ?