Jours gris (3/3)
Eclats de vies - Par Gabrielle - mercredi 4 septembre 2013 - Lien permanent
Il est vrai que la mélancolie semblait avoir passé un accord un peu tacite avec lui, ne l'envahissant que lorsqu'il était seul et dispos.
Alors disaient certains, c'était bien simple il suffisait d'être toujours entrainé, toujours entouré. Il s’émouvait parfois de leur bonne volonté, sachant bien qu'elle ne suffisait pas à combler les gouffres à ses cotés.
L’accord tacite avec la nostalgie disait aussi, certes en plus petit, qu'il faudrait de temps à autres lui laisser des espaces de liberté, des moments où s'exprimer. Au risque, sinon, de se laisser déborder.
Il la voyait parfois
comme une vague un peu prédatrice à la limite de ses perceptions.
Silencieuse et tapie, le laissant vivre sa vie. Mais profitant de
certaines occasions, parfois, pour bondir à l'invasion.
Il y avait toujours des
occasions. Il pouvait les préparer, les organiser, en faire une
vraie réception, dire à la déprime allez viens t'installer, c'est
le moment. Elle pouvait alors rester, il est vrai, un bon moment.
Parfois le débordait jusqu'à ce qu'un événement ou un autre
extérieur à sa volonté ne vienne l'en tirer. Une fois seulement
qu'elle s'était affaiblie en restant, le rendant à nouveau réceptif
à ces occasions de sortie.
S'il ne lui laissait pas
ces plages horaires organisées, elle surgissait à l'improviste et
sans pitié. C'était un mot, un geste d'un ami parfois très proche
et très gentil. Qui heurtait sans le vouloir une sensibilité
exacerbée n'attendant que le coup pour s'ouvrir à la vague
insensée. Tire les entrailles et la maitrise tombera. L'immonde
envahira.
Il se souvenait des
quelques fois où il avait contenu, parfois in extremis, quelques
larmes ou trop de hargne devant ses proches ou ses potes. Ils
n'avaient pas à savoir. Mais il s'était parfois retrouvé attablé,
dents serrées autour de sa gorge nouée, plaisantant moins ou plus
froidement. Il avait contemplé les carreaux de quelques salles de
bains qui avaient offert refuge à ses larmes. En fin de soirée
certains -il en était souvent- s'y enfermaient pour gerber, lui s'y
barricadait pour pleurer. Loin des yeux -loin du cœur!- des gens
heureux sans ses heurs.
Il se disait parfois
qu'il était heureux que les hommes n'aient pas à se maquiller ou
son rimmel aurait trop souvent coulé.
Bien sur ce n'était pas
systématique et n'arrivait que parfois. Ce n'était pas mécanique
et il pouvait y couper durant des mois.
Mais c'était là.