Automne. Septembre pour l’évasion, novembre pour la dépression. Les grues sont parties, ont laissé le froid et la grisaille aux avertis. Avertis, familiers que nous sommes de ce mois au climat répété chaque année.

Novembre est un mois d’hibernation. Un mois de froid, de noirceur et de plat.


Le changement d’heure annonce déjà la couleur, ou son absence à venir. Quel que soit le sens pour lequel on prétend tourner les aiguilles, on sait bien que la nuit s’allonge et que la lumière s’esquive. Alors on en rajoute un peu, recule le temps pour hâter volontairement l’irruption de la nuit.

La fin d’automne est une forme de ralenti. Un appel au repli.

Je rumine un peu, accusant comme un coup de vieux. Difficile d’y échapper. Septembre orne de couleurs la verdure, novembre la dénude sans pitié, ne laissant qu’un peu de pourriture et branches décharnées.


Alors se courber un peu, plier le corps et fermer les yeux. Novembre se terminera. Décembre est presque là, trépignant au coin, visible de plus en plus loin au rythme où les lampadaires s’éclairent de couleurs et les publicités d’enfants surexcités. Ca rendrait presque rêveur.

Mais l’on a beau essayer, publier chaque année plus tôt les catalogues de jouets, parer les villes et les illuminer, on a beau essayer c’est perdu d’avance, même truqué.

Novembre n’est pas le mois des festivités. Novembre est celui du froid, de la tristesse et de l’humidité.


Parlez-moi de festivités ! Novembre s’ouvre avec les morts. C’était festif ou le pouvait la veille encore ; mais novembre ouvre avec les morts. Tous, d’abord. Puis ceux d’une guerre qui n’eut même pas l’honneur d’être la dernière.

Novembre est le mois des morts et de l’obscurité, du froid qui mord et des tristesses répétées.


Novembre illumine tout ce qui a renoncé.


Les feuilles ont grandi, rougi, doré ; elles tombent en novembre et vont pourrir sur le pavé.

Le soleil a chauffé, doré, même cuit ; il se voile en novembre sous la pluie. Renonce à paraître à la journée, ou s’il le fait c’est quasi sans effet. Froideur et obscurité pour attributs, pour objets.


Lumière et chaleur, vie même et ses honneurs, novembre y a renoncé, incarne la mort et ses effets.

Je répugne à sortir, préférant me blottir au creux noir et douillet d’un lit d’où je n’aime pas déloger.

Le froid s’immisce et mord, porté par l’humidité qui sait bien s’infiltrer. Le dos, les genoux racontent à qui le voudrait ces changements de temps. Bloquent, lancent, enserrent le corps et l’esprit dans ces vieilles douleurs qui toujours reviennent avec le froid et la pluie.

On serre les dents, on essaie de voir devant. Pas simple, dans l’obscurité dès l’heure du goûter, le jour dernier à se lever, premier à se coucher.

On se demande en novembre si même émerger vaut la peine endurée. Présente excuses d’avance pour les pannes d’oreiller.

Quel horizon, quelles promesses pour nous lever ? Demain paraît trop loin. L’hiver à venir, une éternité. La chaleur et la vie, d’antiques oubliées. Les souvenirs même de bonheur et chaleur, d’espoir et vigueur semblent s’estomper.


Novembre est un mois de grisaille et de froid.
Les vieilles bêtes, raides, se couchent et ne se relèvent pas.