A M-H, aux bras qui n'ont pas été là et à ceux qui n'ont pas suffi

J'étais, c'est vrai, un peu jaloux de cette idée, de cette potentielle complicité qui m'échappait. Je t'en voulais presque, parfois, de ne pas me laisser accéder à ce qui comptait, à cette intimité qui te rongeait sans que tu ne daignes la partager.

Vrai aussi que tu avais essayé. Je ne comprenais pas ce qui te blessais dans la marche d'un monde dont le pire ne te concernait pas et qui dans tous les cas... Enfin, c'était ainsi, que dire de plus et pourquoi s'arrêter à ce que l'on ne pouvait pas changer ? L'introspection que tu menais n'avait pour conclusions que de tristes constats qui me semblaient pourtant lointains et bien détachés de l'immédiate réalité.

Je m'agaçais parfois de tes simagrées, de ce qui me semblait être une scène pour si peu ou surtout n'en valant pas la peine. Après tout qu'est ce que tes songes y changeaient ?

Et puis je réussissais parfois à me rendre à l'évidence que cela ne semblait pas réellement te laisser de choix. Il est des douleurs ou des idées après tout que certains supportent plus ou moins, des blessures plus ou moins bien soignées et cicatrisées. Sans doute tout ceci, bien qu'en partie dans ta tête, devait t'être insupportable, où je ne voyais, moi, rien de notable.

Cette incompréhension de tes émotions que je m'efforçais de ne pas trouver bidon, m'agaçait aussi parfois. Le plus souvent je ne le montrais pas plus que toi qui t'arrangeais aussi pour craquer à l'abri des regards et des miens y compris.

Alors je me contentais d'accepter ne pas pouvoir t'aider autrement qu'en ouvrant mes bras.

Tu venais y puiser je ne sais quoi, tu parlais d'un ancrage et de ressources à prendre avant de repartir au combat. Tu disais reprendre un peu ton souffle à l'abri de mes bras, à l'abri de tout et de tous. Je me taisais durant ces moments là, ou bien te murmurais mon amour et l'admiration que je te portais. Sincères tous les deux, j'espérais, tant bien que mal, qu'ils aideraient à t'apporter un peu de mieux.

Je ne comprenais pas, je concevais bien n'être pas de tes combats. A défaut d'un frère d'armes et d'un compagnon de chemin, j'essayais d'être ce port où tu faisais relâche et celui qui marcherait à tes cotés quitte à m'y sentir parfois les yeux bandés.

Parfois, cela semblait suffisant et même plutôt bien, quand tu trouvais tout cela reposant et disais être bien.

Parfois cela semblait suffocant de n'être en gros rien, quand tu pleurais d'isolement et que je n'y comprenne rien.

Mais fondamentalement tout ceci semblait le plus souvent n'être qu'un détail un peu pesant mais bien uniquement de temps en temps.

Ensemble on était bien, riant beaucoup, se disputant parfois le plus souvent pour trois fois rien.

Au quotidien tu allais bien, drôle et souvent pleine d'entrain, aimant sortir et découvrir, multipliant les projets et les désirs.

J'étais heureux avec toi, plus emmerdé généralement par ces quelques petits rien du quotidien où l'on s'accrochait parfois, que par le reste et ces moments où tu t'accrochais à moi. Détail, semblait-il, que tout cela.

Il était rare après tout que tu défailles au point d'en avoir à te raccrocher à mon cou. Non que tu ne m'enlaçais pas souvent, au contraire et j'appréciais d'autant, étant moi même du genre un peu collant. Mais malgré tout je savais bien différencier ces câlins habituels ou spontanés des élans plus urgents qui te poussaient à me serrer. De temps en temps venais-tu puiser, incompréhensiblement, ce calme rassurant.

Tu disais à tes copines que tu adorais mes bras forts et mes épaules sculptés des heures durant sur les bancs, pour cette impression délicieuse d'y être en sécurité, cette impression précieuse de protection. Il y avait, c'est vrai, matière à t'enlacer et je t'offrais ce que j'avais, sans modération.

Avec le temps pourtant j'aurais pu deviner que cela finirait par n'être pas assez.