Oh non, la voilà qui recommence. Et toujours l’air de rien en plus de ça, sans même un petit regard en coin. Mais à quoi elle joue sérieusement ?
C’est vrai qu’on est à l’étroit dans ce bar qu’on a envahi trop nombreux, déplaçant les tables et ajoutant des chaises. Mais au point de me coller comme ça ?
Et vas-y que je laisse trainer mes genoux, que je t’effleure du bras en me retournant. Ca prêterait à sourire avec indulgence chez des ados, timides et maladroits. Ca prêterait à rire ici, si ça n’était pas si pathétique. Mais garde toi donc tes mains, enfin !

On est vraiment trop serrés dans ce bar. Si je veux l’esquiver, faudrait manœuvrer, me ramasser un pied de table voire envoyer valser les verres. Je brille plus souvent de maladresses, manqueraient plus que je m'étale à cause d'elle.
Et si c’est pour que ça lui passe encore au dessus, merci mais autant ne pas se fatiguer. Rah, quel boulet de m’être installé là, j’aurais mieux fait d’y réfléchir à deux fois, promis la prochaine fois je me fais plutôt encadrer par les gars. Vrai tu me diras, elle serait bien foutue de me faire du pied sous la table.

Je me sens comme un rat dans les pattes d’un chat, un chat particulièrement boulet mais qui s’est arrangé presque malgré lui pour coincer sa proie. Et à voir le regard rigolard de ceux d’en face, il y en a à qui ça n’a pas échappé. Vraiment, qu’est ce qu’on se marre !

Sincèrement, je ne comprends pas pourquoi elle s’obstine. Je n’ai jamais fait mine de m’intéresser à elle et moins souvent encore de répondre à ses avances. Esquivé son numéro et ses conversations, oublié de la relancer. Merde, je la snobe bien plus qu’un ou deux autres dans le groupe qui n’auraient sans doute pas refusé d'essayer.
Fais du pied à ton voisin de droite plutôt, abrutie ! J'ai même tout fait pour me faire oublier ; à croire que c’est bien vrai ce que l’on dit, plus on la fuit plus elle vous suit. Enfin, je n’ose imaginer où cela nous emmènerait si je cessais d’esquiver. Je me refuse à imaginer !
Ouvre les yeux mamzelle, t’es bien trop loin pour que ça marche. On n’est pas du même milieu, on n’a ni le même vécu ni les mêmes ambitions, on ne fréquente pas le même monde et ne serait-ce que géographiquement.
Je sais, conneries que tout ça. Excuses pour dire que non. Franchement. Ouvre les yeux putain, tu crains ! Tu saoules, sans même t’en rendre compte. Moi le premier sans doute, plus que les autres peut-être, mais faut dire aussi que j’ai droit à un sacré traitement de faveur. Arrêtes de te –et me- fatiguer, rabats toi sur un autre et tu seras gentille.

Ah ! A la faveur d’un qui se lève, je vais pouvoir discrètement me décaler et installer entre nous ce pied de table massif. A l’étroit peut-être, genoux de travers sans doute mais merci tranquillité retrouvée !